Question 94:
Les évangiles manifestent de nombreuses différences de détail. Si c'est le même Esprit qui a inspiré les auteurs, pourquoi a-t-il inspiré différemment les détails ? (TR)
Réponse : 1. Il faut relire attentivement, dans le livre de référence, le texte introduisant le thème: « La Sainte Ecriture et la Parole de Dieu », et puis notre réponse à la question 60, sur la question de savoir pourquoi il y a quatre évangiles différents.
La question de savoir pourquoi Jésus n'a pas fait rédiger son message et sa doctrine trouve son origine dans l'enseignement islamique classique s'appuyant sur le Coran (cf. Q 2,136), disant que quelques prophètes exceptionnels comme p. ex. Moïse (Mūsā), Jésus (‛Īsā), Mahomet, ont bénéficié directement de Dieu un écrit, Moïse la Thora, Jésus l'Evangile et Mahomet le Coran (Qur'ān). Chacune de ces écritures, d'abord sous forme de mots dans le cœur et sur les lèvres de ces prophètes respectifs, fut assez rapidement, selon cette croyance, fixé par écrit, à savoir sous le forme d'un rouleau ou dun codex. Sur ce point, deux choses sont affirmées implicitement : premièrement, que ces prophètes ont effectivement reçu de cette façon les mots précis d'un écrit, et, ensuite, que ce quils ont proclamé oralement, à savoir le message qui leur fut communiqué par Dieu selon leur croyance, a trouvé sa forme écrite durable et inchangée, sans altération aucune de la moindre lettre. Nous laissons ouverte la question de savoir jusqu'où cette vision des choses peut être vérifiée historiquement de façon fiable.
En ce qui concerne Jésus de Nazareth, c'est en tout cas un consensus unanime parmi les chercheurs non-chrétiens et les chercheurs chrétiens, Jésus n'a à aucun moment eut la prétention que Dieu lui aurait inspiré les mots exacts d'une Sainte Ecriture qui existerait déjà auprès de Dieu – on la désigne dans la tradition islamique avec le terme indjïl – ni qu'il aurait contribué lui-même ou par l'intermédiaire de ses disciples à donner à ce message ainsi compris la forme écrite d'un libre unique, appelé indjil.
Le processus de « mise par écrit » du message de Jésus, mieux, le processus de la naissance des Ecritures, qui, rassemblées ultérieurement, devinrent, en tant que « Nouveau Testament », l'Ecriture normative de l'Eglise, doit être envisagé, en accord avec l'exégèse critique, selon la présentation qu'en fait le célèbre théologien catholique, Herman Pesch :
« Jésus lui-même fait appel à « l'Ecriture », à « la Loi et aux Prophètes » (cf. Matthieu 22,40), elle contient, selon l'enseignement de Jésus, la Parole et la Volonté de Dieu. Mais ensuite, avec Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection, sa parole et son action, cela s'est passé de façon analogue aux évènements de l'Ancien Testament et avec les paroles de Moïse et des Prophètes. On a commencé par raconter oralement la vie de Jésus – dans les célébrations, dans l'annonce de la foi, on transmettait ses paroles. Plus tard, on a écrit, d'abord quelques paroles de Jésus, puis toujours d'avantage, on expliquait sa personne et ce quil signifiait pour les croyants. Les récits, les paroles et les interprétations ont à leur tour pris de l'ampleur sous les doigts d'écrivains et de théologiens talentueux pour devenir une présentation globale à laquelle nous donnons le nom d' « Evangiles » (à la suite de la première phrase du plus ancien parmi eux (Marc 1,1). S'y ajoutèrent encore des « lettres pastorales » de différents apôtres, missionnaires et responsables de communautés, surtout de Paul. »
« Voilà la genèse de la nouvelle collection de livres, le « Nouveau Testament ». Et de même que le peuple d'Israël se familiarisait, à partir des livres de l'Ancien Testament, avec la foi en la proximité de Dieu dans l'histoire du peuple, ainsi les chrétiens apprennent-ils, à partir du Nouveau Testament, à croire à la proximité définitive et irrévocable de Dieu pour tous les hommes en son Fils, Jésus Christ, le crucifié ressuscité. Aussi le Nouveau Testament est-il « Ecriture sainte » au même titre que l'Ancien Testament. En lui nous écoutons précisément « la Parole de Dieu » comme nous l'écoutons dans l'Ancien Testament. Ce faisant, la Sainte Ecriture de l'Ancien Testament ne perd pas sa force. Il s'agit du même Dieu auquel nous croyons, à son action dans le peuple d'Israël et à sa manifestation en Jésus Christ. Les deux testaments pris ensemble, l'un comme livre de la promesse, l'autre comme livre de l'accomplissement, forment l'unique Ecriture Sainte – qui est en même temps la charte de fondation de la foi et de l'Eglise. On répond ainsi à la question : peut-on croire la Bible ? Car cette question se résout delle-même. En effet, nous croyons parce que la Bible nous y invite. Sans la Bible, nous ne serions pas chrétiens, puisque, sans elle, nous ne croirions pas du tout. Cest comme si, en face d'une personne aimée, nous nous demandions : puis-je aimer cette personne ? Si nous l'aimons, alors nous l'aimons et nous ne nous demandons plus si nous pouvons le faire. Il en va de même pour la foi dans la Bible : sa parole nous invite à croire. Si, alors, nous croyons en Dieu, alors nous croyons. La Bible nous a dès lors convaincue au point que nous ne demandons plus du tout si nous « pouvons » le faire. »
La Bible comme livre humain
« (Evidemment)… nous voulons savoir si tout s'est passé dans le détail comme nous le lisons dans la Bible : particulièrement les récits extraordinaires des interventions miraculeuses de Dieu dans la cours des événements. Nous entendons souvent parler de « critique biblique », de « science critique de la Bible », qui compare les récits de la Bible avec les connaissances que nous avons à partir d'autres sources à propos de l'époque et de lenvironnement de la Bible, et qui arrivent à la conclusion : cela ne peut pas s'être passé ainsi, le récit s'est mêlé ici avec de la légende, ici l'interprétation religieuse a coloré la présentation des choses… »
« Il nous faut ici prendre conscience de quelque chose de très important : la Bible contient la parole de Dieu, mais elle est cachée sous une parole humaine. Plus nous prenons très au sérieux la Bible en tant que livre humain, mieux cela vaut. Ce qui veut dire : ses éditeurs étaient les enfants de leur temps – ce que lon constate déjà par le fait qu'ils ont écrit dans la langue que l'on parlait précisément dans leur entourage : l'hébreu et le grec. Ils ont écrit leurs livres de la manière avec laquelle ont écrivait des livres à leur époque. Parce que, par exemple, on appréciait encore bien plus quaujourd'hui des récits bien racontés, les écrivains bibliques ont aussi repris dans leurs livres des histoires, ou ils en ont même inventées pour illustrer par là ce qu'ils voulaient dire. Et il va de soi qu'ils ont écrit leurs livres pour annoncer leur foi en Dieu dont ils racontaient les actions. Qui cela peut-il étonner, que, de cette façon, l'interprétation croyante et le récit tendent à fusionner ? Il ne faut pas s'étonner non plus que, dans leurs livres, s'introduisent toutes sortes de choses que lon pensait ainsi à cette époque, indépendamment de la foi, par exemple, à propos de la structure de l'univers, à propos de la fin du monde, etc. Ils n'ont pas écrit un manuel scolaire bien ordonné à la façon moderne, où une chose vient après l'autre, ni un article de journal « objectif », ni un procès-verbal judiciaire, car ils ignoraient ces genres. Et si on leur avait dit quils s'appuyaient sur des légendes, ils n'auraient pas du tout compris en quoi ce devait être un reproche. »
« Il n'est pas possible de disposer autrement de la Parole de Dieu que dans cette parole de la Bible toute humaine et toute tributaire de son époque. Et si la Bible était différente, si, par exemple, elle avait été écrite de la façon que nous souhaiterions, jamais la foi ne serait parvenue jusqu'à nous, nous ne disposerions pas du tout de la Bible. On peut expliquer cela très simplement. Si les écrivains de la Bible, disons par une illumination particulière du Saint Esprit, avaient écrit des livres dans le style du 20ème siècle, personne à leur époque ne les aurait compris correctement. Personne ne se serait senti concerné. Il s'en suit que personne ne s'y serait intéressé, personne ne les aurait valorisés, personne ne les aurait recopiés, ni traduit dans dautres langues et diffusés – nous ne connaîtrions plus rien aujourd'hui de la Bible. Cela se justifie donc fort bien que la Parole de Dieu soit cachée dans la parole humaine. Nous devrions en être reconnaissants et ne pas nous plaindre si nous autres qui somme nés plus tard et ailleurs, nous devons, non seulement traduire la Bible, mais l'expliquer, l'interpréter, pour la comprendre correctement. » (Kleines katholisches Glaubensbuch. Topos Taschenbuch no. 29; 13ème éd. 1992.)
LEglise bénéficie de la promesse de la guidance de lEsprit Saint pour expliquer lEcriture au cours des siècles, dans des époques et des situations toujours nouvelles. Daprès la foi catholique, le Saint Esprit la préserve derreurs fondamentales, en matière de doctrine de la foi et de la morale,. par lintermédiaire du Magistère des évêques en union avec le successeur de Pierre, lévêque de Rome