German
English
Turkish
French
Italian
Spanish
Russian
Indonesian
Urdu
Arabic
Persian

La divinité de Jésus et l’Incarnation

I. Les musulmans demandent

 

  • Jésus est un membre de la chaîne des prophètes. Comment peut-il être plus grand que Mahomet, le « sceau des prophètes » ?
  • Jésus est considéré comme un grand prophète, qui est né miraculeusement, sans père, et qui a fait de grands miracles. Cela justifie-t-il den faire un Dieu ?
  • Comment un homme peut-il être en même temps Dieu ?
  • Comment Dieu peut-il laisser son prophète mourir sur la croix ? Comment se représenter un Dieu qui souffre et meurt ?

 

II. Le point de vue musulman

 

En général

 

La transcendance de Dieu signifie quil est entièrement différent de tout créature. Le musulman éprouve une sainte horreur, chaque fois que lon essaye d « associer » une chose créée ou une personne avec Dieu, de le mettre de côté (shirk) ou de l' « assimiler » (tashbîh). Ce sentiment du musulman est en accord total avec le Coran qui condamne de telles tentatives de façon répétée et passionnément.

 

Les titres que les chrétiens donnent, par exemple à Jésus « Fils de Dieu » et à Marie « Mère de Dieu » sont tout simplement des blasphèmes pour le croyant musulman.

 

Les musulmans se sentent blessés quand on représente de façon réaliste Jésus crucifié, car l'Islam rejette toute image sculptée dêtres humains, et encore davantage de prophètes.

 

En détail

 

Le Coran souligne à de nombreuses reprises la transcendance de Dieu : « Rien ne lui est semblable » (42,11). Il est le créateur de toutes choses et il est radicalement différent de toute créature.

 

Dans le longue série des prophètes, Jésus reçoit une position toute particulière.

 

« Et Nous Lui avons donné Isaac et Jacob ; nous avons conduit sur une voie droite chacun deux. Noé aussi avant Lui, Nous l'avons conduit sur une voie droite, tout comme, dans sa descendance, David et Salomon, Job, Joseph, Moïse et Aaron – cest ainsi que Nous récompensons ceux qui font le bien - ; et Zacharie, Jean Baptiste, Jésus et Elie : chacun deux appartient aux justes ; et Ismaël, Elisée, Jonas et Lot : Nous avons préféré chacun deux par rapport aux habitants du monde ; et aussi par rapport à beaucoup de leurs pères, de leur descendance et de leurs frères. Nous les avons choisis et Nous les avons conduit sur une voie droite » (Q 6,84-87. Yahyâ = Jean Baptiste).

 

« … Et Nous avons laissé Jésus, le fils de Marie, bénéficier des signes clairs et Nous l'avons fortifié avec lEsprit de Sainteté » (2,253).

 

Jésus, qui fut annoncé par Jean Baptiste (Yahyâ), naquit de la vierge Marie sans un père humain.

 

« Alors Nous lui envoyâmes notre Esprit. Il lui apparut dans les traits d'un homme à la belle stature. Elle dit : Je cherche refuge auprès du consolateur devant toi, puisque tu crains Dieu. Il dit : Je suis le messager de ton Seigneur, afin de te donner un garçon tout pur. Elle dit : Comment vais-je avoir un garçon ? Aucun homme ne ma touchée, et je ne suis pas une prostituée. Il dit : Cela va être ainsi. Ton Seigneur parle : C'est facile pour moi. Nous voulons faire de lui un signe pour les hommes et une miséricorde de Notre part. Et cest un affaire décidée. Voilà comment elle le conçut. Et elle se retira avec lui dans un endroit éloigné » (Q 19,17-22)

 

Jésus a enseigné aux Israélites un pur monothéisme et il a fait de grands miracles. Les juifs ont essayé de le tuer par la crucifixion, mais Dieu la sauvé, en le faisant monter jusqu'à Lui. Il viendra de nouveau à la fin de temps comme un signe de la fin toute proche du monde et du jour du jugement universel.

 

« Quand Allah dit:

« Ô, Issa, me voici, je t'assume, je t'élève vers moi,

je te purifie de ceux qui effacent,

plaçant ceux qui te suivent

au-dessus de ceux qui effacent

jusqu'au jour du Relèvement.

Ensuite, votre Retour sera vers Moi.

Je vous jugerai sur ce en quoi

vous vous opposiez. » (Q 3,55).

(( les citations viennent du site : La Bible et le Coran d'André Chouraqui. En Ligne, Le Coran))

 

« Ils ont dit: « Voici, nous avons tué le Messie,

Issa, le fils de Mariyam, l'Envoyé d'Allah ».

Mais ils ne l'ont pas tué, ils ne l'ont pas crucifié,

C'était seulement quelqu'un d'autre

qui, pour eux, lui ressemblait.

Ceux qui sopposent à cela, et demeurent dans le doute,

n'ont pas de savoir, et ne suivent qu'une hypothèse.

Ils ne l'ont certes pas tué:

Allah la élevé à Lui,

Allah, puissant, sage. » (Q 4,157-158)

 

« Et (Jésus) dit : « Paix au jour où je suis né,

au jour où je mourrai,

au jour où je ressusciterai, vivant ! » (Q 19,33)

 

Jésus a annoncé la venue de Ahmad (un nom du Prophète Mahomet) :

 

« Et quand Issa, fils de Maryam, dit:

« Ô Fils d'Isrâîl, je suis pour vous l'Envoyé d'Allah,

authentifiant ce qui de la Tora est entre mes mains.

J'annonce un Envoyé qui viendra après moi.

Son nom: Ahmad. » (Q 61,6).

 

Jésus nie aussi qu'il ait eu la prétention de se désigner lui-même comme Dieu.

 

«Quand Allah dit: « Ô Issa, fils de Mariyam,

as-tu dit aux humains: ‹ Prenez-moi avec ma mère

pour deux Ilahs distincts d'Allah › ? »

Il dit: « Louange à toi ! Ce nest pas à moi de dire

ce qui, pour moi, n'est pas la vérité.

Si je le disais, tu le saurais déjà.

Tu connais mon être,

mais je ne connais pas ton tre,

te voici, Toi, le Connaisseur des mystères ! »

Je ne leur ai dit que ce que tu mas ordonné:

« Oui, servez Allah, mon Rabb et votre Rabb ! … » (Q 5,116-117)

 

Le Coran appelle Jésus « une parole de Dieu » aussi bien que « parole de Dieu ». Jésus est aussi « un esprit de Dieu », mais sans aucun doute nullement son Fils.

 

« Quand les Messagers disaient:

« Ô Mariyam, Allah t'annonce sa parole.

Son nom: le messie Issa fils de Mariyam,

illustre en ce monde et dans l'Autre,

parmi les proches d'Allah. » (Q 3,45)

 

« Ô Tentes de l'Écrit,

n'extravaguez pas en votre créance,

ne dites d'Allah que la vérité.

Voici, le Messie Issa, fils de Mariyam, est l'Envoyé d'Allah,

et sa Parole, lancée à Mariyam, est un souffle de Lui.

Adhérez donc à Allah et à ses Envoyés.

Ne dites pas: « Trois. »

Cessez, ce sera mieux pour vous.

Voici, Allah, l'unique Ilah ! Nous le célébrons !

Mais qu'Il ait à Lui un enfant de Lui !

Le tout des ciels et de la terre est à Lui.

Allah se suffit comme défenseur. » (Q 4,171).

 

« Dis:

« Lui, Allah, l'Unique, Allah, le Numineux, Il n'enfante pas et n'est pas enfanté, Il n'a pas d'égal ! » » (Q 112).

 

« Ceux qui disent:

« Allah est le Messie, fils de Mariyam »,

effacent Allah.

Or, le Messie a dit: « Fils d'Isrâîl,

servez Allah, mon Rabb et votre Rabb. »

Qui donne des associés à Allah,

Allah lui interdit déjà le Jardin.

Son refuge ? Le Feu.

Pas daide aux fraudeurs ! » » (Q 5,72).

 

« Les Judéens disent: « Ouzaïr est le Fils d'Allah »,

et les Nazaréens: « Le Messie est le Fils d'Allah. »

Voilà ce quils disent de leur bouche !

Ils ressassent les dires de ceux qui effaçaient naguère !

Qu'Allah les combatte:

voici, ils se sont détournés.

« Ils ont pris leurs clercs et leurs rabbs,

ainsi que le Messie, fils de Mariyam, pour Rabbs,

non pas Allah !

Or ils avaient reçu l'ordre

de ne servir qu'un Ilah, l'unique:

pas d'Ilah sauf Lui.

Louangeons-le au-dessus de ce qu'ils associent ! » (Q 9,30-31).

 

Le Coran mentionne Jésus moins souvent qu'Abraham ou Moïse.

 

La tradition théologique musulmane vise à mettre sur la même ligne les particularités de Jésus (sa conception sans père humain, ses miracles, son titre : « Parole de Dieu » et « Esprit de Dieu ») et ce qui est « normal » pour un prophète. « Voici: Issa, chez Allah, est à l'exemple d'Adam. Il l'a créé de terre, puis Il lui a dit: « Sois. » Et il est » (Q 3,59). La création d'Adam sans père ni mère est considérée comme encore plus merveilleuse que la conception de Jésus sans père. Le titre « Parole de Dieu » ne désigne qu'un prophète ou l'action créatrice de la parole de Dieu, qui a fait quil a été conçu dans la sein de Marie. Mahomet est en tout cas un prophète plus grand que Jésus, puisqu'il est « le dernier des prophètes » (Q 33,40).

 

Cela correspond aussi à une tendance dans la mystique islamique (soufisme). Elle fait de Jésus le « sceau de la sainteté », car il a été totalement gratifié de la parole et de l'esprit de Dieu, tandis que Mahomet reste « le sceau des prophètes ». Mahomet est le prophète par excellence.

 

Des publications musulmanes plus récentes sur Jésus le tiennent pour un homme juste qui a subi la persécution (Kâmil Husayn), pour le prophète de l'amour (Abbâs Mahmûd Aqqâd), pour le libérateur de l'humanité (Khâlid Muhammad Khâlid), ou pour une personnalité qui inspire à l'élévation (Fathî Uthmân).

 

Dans la vie religieuse des musulmans, Jésus ne joue pas de rôle exceptionnel, encore moins que Marie. A leurs yeux, la personne et le rôle de Jésus reçoivent chez les chrétiens une importance trop grande. La manière même dont les chrétiens divinisent Jésus nest rien moins qu'un blasphème. De plus, les chrétiens se sont montrés, au nom de la croix, de façon répétée agressifs vis à vis du monde islamique.

 

III. Le point de vue chrétien

 

1. De l'activité terrestre de Jésus jusqu'à la foi de Pâques

 

D'après les résultats de l'exégèse contemporaine, Jésus était un homme véritable, mais en lui la seigneurie de Dieu se fait proche. Dans sa prédication et dans son activité, Dieu se révèle comme son Père et notre Père. Jésus est né et a grandi comme tous les humains. Quand Jésus quitta sa famille et sa maison à Nazareth, il prit conscience, au moment de son baptême par Jean le baptiste, quel était envoyé comme prophète par l'Esprit de Dieu, « le Prophète », qui annonçait la venue du « Royaume de Dieu » dans la ligne du « Serviteur de Dieu » (Isaïe 42 ; 49 ; 50 ; 52 ; 53). Il enseignait avec autorité et il faisait des miracles, principalement des guérisons. Après une période de succès, la liberté avec laquelle il interprétait la Loi lui valut l'inimitié des chefs religieux. Ils fut abandonné par beaucoup. Il avait prédit que sa fin serait proche, il la comprenait comme « un sacrifice pour la multitude », et il mourut, non par lapidation, selon les prescriptions de la loi juive, mais par la crucifixion, selon la loi romaine. Dans la nuit profonde de la mise à lépreuve de sa foi, il resta fermement attaché à la foi et à la confiance en Dieu, qui le ressusciterait pour la vie. Aucun des titres habituels ne semble adapté pour exprimer de façon adéquate la grande complexité de son expérience. « Messie » avait des connotations trop politiques, tandis que « Fils de Dieu » était proche du sens général de « aimé, choisi par Dieu » (cf. Mt 5,9). « Fils de l'homme » faisait référence à la vision du livre de Daniel (chap. 7). Cela semblait être le titre qui convenait le mieux. Jésus était conscient d'être le prophète de la fin des temps, dans la ligne même du Serviteur de Dieu chez Isaïe. Il est certain que jamais il ne sest désigné lui-même comme « le Fils Unique de Dieu » dans le sens que de toute éternité il aurait existé en Dieu, ni non plus comme « né de Dieu de toute éternité », comme les chrétiens le formulèrent plus tard.

 

Après sa mort, les disciples apprirent quil est vivant et présent, il est ressuscité. Sous la puissante impulsion de l'Esprit, les disciples annoncèrent que Jésus est le « Rédempteur » (car sa victoire sur la mort apporte le salut) et « Seigneur » (ce qui veut dire en langage biblique : Dieu). La résurrection révélait, sous l'impulsion de lEsprit, la pleine réalité de Jésus, avec qui ils avaient vécu pendant trois années, sans saisir sa véritable identité. Les disciples comprirent les évènements qu'ils avaient vécus avec lui sous une nouvelle lumière et ils l'annoncèrent à leurs auditeurs.

 

Les apôtres et les premiers théologiens chrétiens réfléchirent cette nouvelle connaissance et la formulèrent. Paul et également de façon explicite la lettre aux Colossiens et aux Ephésiens se représentent Jésus existant de toute éternité avant la création (Col. 1,15-20 ; Eph. 1,3-10). Dans le prologue de son évangile, Jean le décrit comme la parole existant de toute éternité en Dieu et comme Dieu, manifesté dans notre chair, le Fils éternel du Père et Celui qui révèle parfaitement le visage véritable de Dieu. Face à des remises en question toujours nouvelles sur la personne et la signification de Jésus, les Conciles les plus anciens ont voulu maintenir cette foi commune des chrétiens, en disant de Jésus qu'il est vrai Dieu et vrai homme.

 

2. Déclarations du magistère

 

La profession de foi fondamentale à propos de la divinité de Jésus dit ceci : la personne qui est connue historiquement comme Jésus, prophète de Galilée, est le Fils de Dieu, né de toute éternité du Père dans l'amour du Saint Esprit. Il est donc « de nature divine ». Il a pris la nature humaine, en tout semblable à nous hormis le péché et la tendance au péché. Le Concile de Chalcédoine, en l'an 451 après J.C. a précisé que les deux natures existent « sans mélange, sans changement et sans séparation » en Jésus. Cette négation formelle de tout « mélange » des deux natures explique dans le plan de Dieu les limites humaines de sa connaissance avant la résurrection. En même temps, cette négation respecte la transcendance de Dieu par dessus les créatures. Ainsi le mystère de lunion des deux natures demeure intact.

 

En réponse aux questions des musulmans, on ne peut pas passer sous silence que la foi en Jésus comme Fils de Dieu devenu homme fait partie de l'essentiel de la profession de foi apostolique. Ce nest que sous l'influence du Saint Esprit que nous pouvons dans la foi reconnaître et annoncer Jésus comme le Seigneur( 1 Cor. 12,3).

 

La foi chrétienne en Jésus se comprend comme la réponse rendue possible par l'Esprit Saint à la personne historique de Jésus. Puisque la profession de foi chrétienne est une réponse de foi, on ne peut pas l'exiger des autres qui ne partagent pas cette foi. Nous devons reconnaître que dautres interprétations peuvent être faites : ainsi, une interprétation marxiste, une de Brahmo Samâj (un mouvement réformateur hindou du 19ème siècle), une interprétation musulmane ou juive, etc. Dans ce cas, il faut tenir compte de deux conditions :

 

1. Le respect des exigences de la critique historique et littéraire – en tout cas chaque fois que quelquun a la prétention d'offrir une présentation fondée scientifiquement et non pas purement poétique.

 

2. Que lon concède que linterprétation chrétienne est l'une des possibilités, même lorsque l'auteur, à partir de ses présupposés à lui, ne la partage pas.

 

IV. Les chrétiens répondent

 

1. Le mystère de la divinité et de l'incarnation de Jésus occupe dans la foi chrétienne une position centrale. Pour les chrétiens, la foi en l'incarnation ne signifie pas une « divinisation » de l'homme. Dans l'incarnation, la Parole éternelle de Dieu prend une nature humaine et devient homme de cette façon. La transcendance de Dieu est conservée par le refus de tout mélange des deux natures. On peut utiliser des mots comme p.ex. dhât, haqîqa, ou jauhar, pour exprimer la nature divine. L'expression « Fils de Dieu » sert à indiquer son origine divine. Il ne s'agit pas d'une expression biologique, qui rapprocherait Dieu d'un géniteur humain. Dans ce contexte, un texte du Quatrième Concile du Latran (1215) peut être utile : « Cette réalité <la nature divine> ne met pas au monde et ne naît pas » (Denzinger/Hünermann 804). Cela correspond à Q 112,3 : Il na pas engendré et Il na pas été engendré…(lam yalid wa lam yûlad). Mais le contexte est différend de celui des versets coraniques. Le Coran proteste ici surtout contre le polythéisme de La Mecque, qui comprend de la part de Dieu un engendrement biologique. Il ne concerne qu'en second lieu la doctrine chrétienne sur Jésus.

 

2. Entre la doctrine chrétienne de l'incarnation et les affirmations du Coran, il y a des liaisons qui pourraient apparaître signifiantes au musulman. Beaucoup de musulmans reconnaissent que « le Coran occupe la place centrale dans la foi musulmane, place qu'occupe Jésus dans la foi chrétienne » (Muhammad Talbi). Un musulman croit que la Parole de Dieu (kalâm Allâh) est de toute éternité en Dieu (kalâm nafsî), quelle est même identique à son essence. Elle s'est révélée sous la forme d'une écriture, le Coran, en tant que Parole de Dieu « devenue livre » (kalâm lafzî). Le chrétien croit que Jésus est la Parole de Dieu (kalimat Allâh), comme le Coran l'appelle, cependant dans un autre sens que le concept a dans le Coran. La foi chrétienne proclame que Jésus de Nazareth, le Seigneur crucifié et ressuscité, est la révélation ultime et parfaite de Dieu dans lhistoire.

Contactez nous

J. Prof. Dr. T. Specker,
Prof. Dr. Christian W. Troll,

Kolleg Sankt Georgen
Offenbacher Landstr. 224
D-60599 Frankfurt
Mail: fragen[ät]antwortenanmuslime.com

Plus sur les auteurs?